samedi 28 avril 2018

L'utopie NanoTotal - Vincent Ferrique


L’utopie NanoTotal, Vincent Ferrique

Editeur : Autoédition
Nombre de pages : 232
Résumé : Dans un futur proche, les peuples ne s’entredéchirent plus. Les famines sont reléguées aux oubliettes de l’histoire, ainsi que le chômage, la maladie ou la misère. NanoTotal, une archi-société de haute technologie, a réalisé l’impensable : pacifier la Terre. Mais quel prix a payé l’humanité pour cette utopie ? Un jeune homme qui échappe à l’emprise de NanoTotal le découvrira, bien malgré lui…

Un grand merci à Vincent Ferrique pour l’envoi de ce volume (et la petite dédicace) et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

- Un petit extrait -

« Dans un élan nano-contrôlé, elle lui annonça en lui sautant au cou qu'ils avaient emporté à la loterie un superbe cadeau : une croisière romantique pour deux à destination de la Lune, offerte par LunarVoyages - "Le rêve au bout de la fusée !". »

- Mon avis sur le livre -

C’est rigolo comment notre opinion sur un même roman peut varier entre les premières pages et les dernières phrases … Parfois, la première impression est celle qui nous suivra jusqu’à la fin, mais d’autres fois, tout bascule, en bien comme en mal. Un début prometteur qui nous déçoit par la suite, ou au contraire un début un petit peu laborieux qui cache une suite merveilleuse. C’est dans cette seconde catégorie que se situe ce roman : si j’étais quelque peu mitigée face aux cinquante premières pages - je vous explique pourquoi un peu plus tard -, je dois bien admettre que la suite m’a totalement réconciliée avec ce récit, au point que j’en oublierai presque ma perplexité première ! Voilà d’ailleurs une des raisons qui me poussent à ne presque jamais abandonner une lecture lorsque le début ne me passionne pas : j’ai bien trop peur de passer à côté d’une suite exceptionnelle !

Imaginez un monde sans chômage ni guerre, un monde sans criminalité ni misère. Imaginez un monde où l’on ne meurt plus de maladie, où le mot « cancer » n’existe plus que dans les manuels d’histoire, où tous les enfants ont accès à l’éducation et tous les adultes au travail, où chacun a un toit sur la tête et de quoi manger à sa faim. Imaginez un monde où tout le monde respecte tout le monde, et surtout un monde où chacun est heureux, radieux, joyeux. Ca fait rêver, n’est-ce pas ? Mais l’on s’en doute bien, derrière cette belle utopie se cache une réalité bien plus sombre. Dans ce monde idéal, l’organisme de chaque individu se voit envahi par une armée de nano-robots chargés d’éradiquer virus et bactéries, de traquer sans pitié la moindre cellule mutante … mais également de contrôler émotions et sentiments. Michellin, qui échappe progressivement à la nano-emprise, va découvrir l’envers du décor de cette société parfaite en apparence …

Comme je l’ai dit plus haut, entre L’utopie NanoTotal et moi, les débuts ont été légèrement difficiles. Au cours des premiers chapitres, afin de poser le contexte, l’auteur déverse énormément d’informations, l’objectif étant que le lecteur puisse comprendre les mécanismes du monde dans lequel prend place l’intrigue. Car on sent que cet univers a été murement construit, que l’auteur en maitrise les moindres rouages et qu’il a réfléchit au moindre petit détail … quoi de plus normal que de vouloir montrer au lecteur à quel point notre imagination a fait un excellent travail ? Le problème, c’est qu’il y avait tellement de renseignement à ingurgiter rapidement que j’en ai fait une overdose. Les rares éléments de narration ne servaient qu’à opérer une transition vers un nouvel ouragan d’informations, et l’histoire à proprement parler mettait un petit peu trop de temps à se lancer à mes yeux. Beaucoup d’explications et trop peu d’actions, voilà ce que je pouvais reprocher à ce début par conséquent un peu longuet.

Toutefois, à partir du moment où le contrôle des nano-robots sur l’esprit de notre protagoniste, Michellin, commence à s’effilocher, les choses deviennent bien plus intéressantes. Il ouvre les yeux sur son monde, sur sa vie, il commence à se poser des questions, à s’interroger sur le bien-fondé de tout ceci. Est-il moralement acceptable de placer ainsi toute l’humanité sous le contrôle d’une intelligence artificielle afin de pacifier la planète ? Vivre dans l’abondance matérielle et la sécurité physique, mais sans jamais connaitre la liberté, est-ce vraiment vivre ? Le bonheur, est-ce uniquement avoir la possibilité d’acheter et de faire tout ce que « l’on désire » (que ce désir soit dicté par une machine ou non d’ailleurs) ? Que de thématiques abordées par ce roman, que de réflexions à approfondir ! Même si, et c’est quelque chose que je regrette un petit peu, le lecteur est fortement influencé par la narration elle-même à s’insurger contre ce système … Un peu plus de neutralité aurait donné plus de force encore aux révélations auxquelles va faire face Michellin, qui sont de plus pour certaines assez prévisibles. Ici, dès le début, la narration est teintée de sarcasme et d’ironie qui ne laisse aucun doute quant à la condamnation de tout le système : il aurait été bienvenu que cette narration évolue au fur et à mesure que Michellin prend conscience de cette immense machination !

Il y a cependant une chose d’extraordinaire dans ce roman : c’est sa capacité à nous happer. Au fur et à mesure que l’histoire progressait, la tension dramatique se faisait de plus en plus intense. On sent que notre héros n’est pas sorti d’affaire, que NanoTotal va tout faire pour remédier à cette déficience dans son nano-contrôle, et que ses jours de liberté et de lucidité sont comptés. On se prend à croiser les doigts, à espérer de toutes nos forces qu’il va parvenir à échapper à ce sombre destin, on a des sueurs froides et le cœur qui s’emballe. On s’attache à ce pauvre Michellin, finalement, lui qui n’est qu’une victime parmi tant d’autres de ce grand mensonge collectif, de ce système qui lui ôte tout libre arbitre tout en lui garantissant une vie sans heurt, sans contrariété. On s’attache à ce jeune homme qui vient de gouter à la vie sans entrave et qui se sait condamné à une nouvelle perpétuité à vie. C’est un livre qui joue avec les nerfs du lecteur, qui lui fait ressentir énormément de frustration … et qui le laisse complétement vidé de toutes ses forces une fois la dernière page tournée. Et toute la tension accumulée redescend soudainement, brusquement. Et on est comme anesthésié par cette fin si définitive, si sèche.

En bref, une histoire qui met longtemps à se mettre en place mais qui, une fois lancée, captive le lecteur jusqu’à la dernière phrase. Comme beaucoup de romans d’anticipation, celui-ci nous invite finalement à réfléchir sur notre propre société … sans jamais la nommer bien évidemment ! Une narration efficace mais toutefois un peu maladroite par moment, en particulier en ce qui concerne les dialogues qui me paraissaient très artificiels et pas assez fluides … Un personnage principal attachant, un univers vraiment riche, une intrigue efficace, une tension dramatique incroyable … J’ai finalement énormément apprécié ce roman que j’ai dévoré en deux petits jours à peine tant il était passionnant et saisissant ! Avis aux amateurs de science-fiction et de dystopie : ce livre est fait pour vous !

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus d’explications sur cet article)

mercredi 25 avril 2018

Ma bonne étoile - Clara Richter


Ma bonne étoile, Clara Richter

Editeur : Dreamland
Nombre de pages : 319
Résumé : La vie d’Alix a basculé à la mort de son grand frère Paul qui s’est noyé lors d’une soirée entre amis. Depuis ce drame, la jeune lycéenne est submergée par des émotions qui l’étouffent : rage, tristesse, culpabilité, incompréhension. Fragile et meurtrie, Alix croise le chemin d’Elyas, un garçon dont l’existence a également volé en éclats. Il a fui la Syrie où ses parents, ses frères et sœurs ont été tués sous ses yeux. Entre les deux adolescents, la compréhension est immédiate. L’attirance aussi. Ensemble, ils vont tenter d'apprivoiser leurs nouvelles existences et de résoudre le mystère de la mort de Paul. Obnubilée par cette enquête, Alix ne réalise pas à quel point Elyas a, lui aussi, besoin d’aide…

Un grand merci aux éditions Dreamland pour l’envoi de ce volume.

- Un petit extrait -

« Le calcul de toutes ces forces en présence me rappelait combien nous n'étions que des corps soumis à des interactions. Tout ce qu'on voulait y mettre derrière, les sentiments, les émotions c'était du pipeau. Ce qui avait fait couler mon frère, c'était cette stupide attraction terrestre, qui avait mis minable la poussée d'Archimède. Tout le chaos que cela avait engendré dans nos vies n'était rien dans l'ordre des choses et du cosmos. Les forces gravitationnelles se moquaient bien de savoir si j'allais élucider le mystère de la connerie accidentelle de Paul, si ma mère allait s'en remettre un jour, ou si j'allais revoir Elyas au lycée. La lune tournerait toujours autour de la Terre et la Terre autour du Soleil et nos petites vies merdiques n'avaient qu'à s'en contenter. »

- Mon avis sur le livre -

On inaugure aujourd’hui le tout premier « vrai » partenariat du blog, et croyez-moi, j’en suis toute retournée ! En effet, il y a de cela quelques mois, j’ai reçu dans la boite mail du blog une sacrée surprise : les éditions Dreamland me proposaient un partenariat. A moi, petite blogueuse de rien du tout, qui ose à peine demander un service de presse ponctuel à une maison d’édition de peur de paraitre présomptueuse, vous vous rendez compte ?! Aujourd’hui encore, j’ai du mal à y croire … et pourtant, ça y est, c’est le grand jour : je vous parle aujourd’hui de ma toute première lecture Dreamland ! Et le moins que l’on puisse dire, c’est que non seulement elle m’a énormément plu, mais elle m’a surtout beaucoup chamboulée !

Cela fait quatre mois que l’existence d’Alix a basculée. Quatre mois que Paul, son frère ainé, s’est noyé dans le canal suite à une soirée entre amis. Quatre mois qu’Alix se demande comment cela a bien pu arriver, comment son frère si raisonnable et si posé a pu finir au fond du fleuve. Quatre mois que sa famille s’effrite progressivement, que son père se noie dans le travail et sa mère dans l’alcool. Quatre mois que sa meilleure amie Fanny tente à tout prix de l’aider à remonter la pente. C’est ainsi qu’un soir, en venant diner chez Fanny, qui vit dans un « habitat collectif participatif », Alix fait la connaissance d’Elyas, qui vient d’arriver de Syrie avec son frère ainé Aylan et qui loge chez l’un des étranges voisins de Fanny. L’âme et le cœur d’Elyas sont tout aussi cabossés, si ce n’est plus, que les siens … C’est peut-être cette souffrance commune qui les a rapproché, ou c’est peut-être autre chose, mais une chose est désormais certaine : c’est à deux qu’ils vont affronter leur peine et leur douleur …

Avant d’être une histoire d’amour, ce roman est donc une histoire de reconstruction. Depuis la mort de Paul, cette mort inexpliquée, inexplicable, Alix est complétement perdue. Haine et culpabilité, accablement et incompréhension se mélangent et s’affrontent en elle, et ce ne sont pas ses parents qui vont l’aider à surmonter ce deuil : sa mère sombre progressivement dans l’alcool et la dépression tandis que son père se réfugie dans son travail de chirurgien-pneumologue. Son seul véritable soutien est sa meilleure amie, Fanny, qui veille sur elle sans tomber dans la compassion dégoulinante des voisins et amis qui s’obstinent à la traiter comme une enfant en cristal. Alix est une héroïne vraiment attachante, à laquelle je me suis beaucoup identifiée grâce à son amour inconditionnel pour la lecture et son désintérêt profond pour les soirées alcoolisées et autres « loisirs » adolescents, grâce à sa fragilité et sa sensibilité … Elyas m’a énormément touchée, également : encore hanté par les horreurs de la guerre syrienne et de la traversée jusqu'en France, c’est un jeune homme en équilibre très instable, tantôt insouciant et souriant, tantôt renfrogné et ombrageux, en colère contre le monde entier. 

Deux âmes abimées, deux cœurs blessés. Entre eux, ce n’est pas le coup de foudre, pas vraiment. C’est plutôt comme si chacun reconnaissait sa propre souffrance dans le regard de l’autre … et cela va les rapprocher. On a beau s’y attendre, on a beau s’en douter, cela semble tellement naturel, tellement évident, que cette prévisibilité ne choque pas, ne dérange pas. La relation entre ces deux ados à la dérive est tout simplement bouleversante. C’est beau, c’est cruellement beau. Car cet amour ne suffit pas à effacer la douleur, à mettre fin à la peine et la culpabilité qui hantent Alix et Elyas - la première persuadée qu’elle n’a pas été une petite sœur assez perspicace, le second persuadé qu’il aurait dû mourir avec ses parents, ses sœurs, son petit frère -, cet amour va même être menacé par la fragilité et le déséquilibre psychologique de nos deux cœurs déchirés. L’amour n’est pas un remède miraculeux, n’est pas un antidote magique. Ce n’est pas un roman à l’eau de rose, même si certains passages sont mignons tout plein. Elyas et Alix s’aiment, mais il va leur falloir beaucoup de temps pour commencer à revivre, et non plus à survivre à deux : ils ne guériront jamais de leur souffrance, ils n’oublieront jamais ceux qu’ils ont perdus, mais ils savent désormais qu’ils peuvent compter l’un sur l’autre pour avancer.

Qu’ajouter de plus ? Je pense qu’il me suffit de conclure en affirmant que l’auteur nous offre ici un roman bouleversant, émouvant, une histoire captivante, déchirante, une histoire qui fait pleurer mais qui fait aussi rire, une histoire qui fait trembler mais qui fait aussi sourire. Il va me falloir du temps pour me remettre de cette lecture, qui m’a fait l’effet d’une véritable claque : c’est dur, c’est dramatique même, mais c’est aussi, et surtout, une véritable ode à la vie et à l’espoir, à l’amour et à l’amitié, mais aussi au respect et à la tolérance, à la bienveillance et à la générosité. C’est un livre qui fait du bien, même si on a les larmes aux yeux du début à la fin, même si les thématiques abordées sont graves et terribles. C’est un livre magnifiquement bien écrit, porté par une plume aussi belle que simple, une narration qui va à l’essentiel et pleine d’émotions. Vous l’aurez donc compris, je recommande vraiment chaudement ce roman, qui s’adresse aussi bien aux adolescents qu’aux adultes !

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus d’explications sur cet article)

samedi 21 avril 2018

Sous béton - Karoline Georges


Sous béton, Karoline Georges

Editeur : Folio SF
Nombre de pages : 210
Résumé : Depuis sa naissance, l’enfant est enfermé dans une minuscule cellule, au 804 du 5969e étage de l’Édifice. Autour de lui, que du béton, sans ouverture sur l’extérieur. Et deux présences : le père qui s’abrutit de plus en plus et la mère qui redoute l’expulsion. Immobile dans son dortoir, l’enfant est bouleversé par une transformation qui lui révélera un horizon inattendu.

Un grand merci aux éditions Folio pour l’envoi de ce volume et à la plateforme Livraddict pour avoir rendu ce partenariat possible.





- Un petit extrait -

« Mon nouvel œil se posait partout avec une attention d’une profondeur affolante. S’enfonçant sous chair, sous béton, pour s’ouvrir sur quelque chose d’imperceptible. Quelque chose qui augmentait les palpitations du cœur. Qui imposait le silence en tête. Quelque chose qui semblait m’observer en retour. Avec la même attention. »

- Mon avis sur le livre -

Parfois, on se retrouve confronté à des ouvrages tellement atypiques que l’on passe complétement à côté … Et c’est bien ce qui m’est arrivé avec Sous béton. Le résumé me promettait un huis clos mystérieux et angoissant, mais ne me préparait pas à ce que j’allais véritablement trouver derrière cette couverture assez intrigante, qui exprime finalement bien ce qui finit par arriver - je crois - dans l’histoire. A vrai dire, je ne suis certaine de rien à propos de ce roman : j’ai la vague impression de ne pas avoir tout compris. Mais y a-t-il véritablement quelque chose à comprendre ? J’ai comme le sentiment que le sens de ce livre ne m’apparaitra clairement que dans quelques jours, quelques semaines, quelques mois peut-être. Message à retardement. Ou bien message perdu à jamais dans le néant, comment savoir ?

L’enfant n’a pas de nom, juste son matricule et son numéro d’identification médicale. A quoi bon lui donner un nom ? Il sera comme la mère, comme le père, comme tous les autres résidants de l’Edifice. Il nait, il grandit, il se putréfie. S’il n’est pas expulsé avant. L’enfant est le même que les milliers d’autres enfants de l’Edifice. Il est le même que les milliards d’individus parqués dans cet immense bâtiment en Béton Total. Quotidien immuable, cycle sans cesse renouvelé. Réveil, avalage des nutriments, absorption du Savoir, sommeil. Et ainsi de suite. Jusqu’à ce que l’abrutissement ou la pourriture s’empare de l’esprit et du corps. Jusqu’à ce que la répétition incessante soit perturbée par une disparition. Celle de l’enfant.

Le premier tiers de ce roman est intriguant. Comme le sont tous les romans d’anticipation à penchant dystopique. Une humanité enfermée dans un immense édifice de béton, condamnée à l’immuabilité, à l’immobilité, à l’impassibilité. Dehors, le néant, le chaos. Du moins, c’est ce que l’on dit, ce qu’on l’on apprend, ce que montre les informations quotidiennes. C’est ce que répète le père à l’enfant trop curieux, avant de le punir pour cette curiosité, pour cette pensée. Car au sein de l’Edifice, on ne pense pas. Penser, se questionner, poser des questions, c’est mettre en danger tout l’équilibre de l’Edifice. L’Edifice est là pour les protéger de l’extérieur, de la violence et de la mort qui y rôdent. J’ai plutôt apprécié cette première partie, elle était assez intéressante, car on était finalement dans un système dystopique poussé à l’extrême avec l’enfermement de tous dans une petite cellule « familiale » en béton pour protéger ce qu’il reste de l’humanité. On s’interroge sur les causes de cette organisation, sur sa naissance, sur ses dirigeants … 

Le second tiers, quand à lui, est surprenant. Un tournant survint : l’enfant nous raconte comment, un jour, une question s’est imposée brusquement à lui. « Pourquoi je me demande pourquoi ? ». La passionnée de philosophie que je suis s’est brusquement écriée : la naissance de la conscience ! A ce moment-là, même si je commençais à trouver ce roman vraiment très étrange, j’étais encore suffisamment intéressée par « l’histoire » pour me réjouir. De grands questionnements métaphysiques, existentiels, étaient résumés par l’apparition du « semblable », cet « œil au cerveau », cette présence au fond de lui qui n’était pas un organe, pas de la chair, mais quelque chose d’autre, d’indéfinissable, qui n’était jamais mentionné dans le Savoir. L’enfant prenait conscience de lui-même, de sa propre pensée, de sa propre existence, non pas en tant que corps mais en tant qu’esprit. Ça commençait à devenir bizarre, cette histoire.

Mais le dernier tiers, lui, est carrément déroutant, troublant, dérangeant. Une des découvertes que l’enfant fait, une fois libéré de la frontière physique de son corps, une fois libre de parcourir en esprit l’intégralité de l’Edifice, m’a tout simplement écœurée. C’est révoltant, rebutant … mais on sent confusément qu’il y a un sens, un message, derrière cette situation. En creusant un petit peu, on peut ainsi s’interroger sur notre système économique, que la guerre rend fleurissant même si on se voile la face. La mort des autres permet de faire tourner notre système. C’est cruel à dire, mais c’est bien ce que montre ce livre d’une façon bien plus imagée, mais surtout bien plus répugnante encore. Surtout, ne lisez pas ce livre pendant les repas, c’est un conseil que je vous donne ! Mais ce que je reproche vraiment à cette ultime partie, c’est d’être parfaitement incompréhensible du point de vue de « l’histoire ». Je n’ai pas réussi à saisir ce qui arrivait réellement à l’enfant, ce qu’il se passait véritablement. La narration, très particulière j’en conviens, n’est vraiment pas claire. Du coup, je n’ai rien compris à la fin. Et par extension, je n’ai rien compris à « l’histoire » (si histoire il y a !) …

En bref, un roman qui débutait plutôt bien, mais qui finit en bouillie littéraire inintelligible. C’est oppressant, c’est angoissant, mais surtout, c’est déconcertant. Je suis à la fois très perplexe et très frustrée : j’ai le sentiment d’avoir le cerveau anesthésié par cette plume trop atypique pour raconter une histoire compréhensible. Alors, on tourne les pages, plus par automatisme qu’autre chose, sans véritablement savoir ce que l’on lit, sans en saisir le sens. Une expérience littéraire, certes, mais qui n’est à mes yeux pas concluante du tout. Ce livre aurait écrit en chinois que cela m’aurait fait le même effet : mais qu’est-ce que ça veut dire que tout cela ? C’est dommage, mais c’est vraiment la seule chose qui ressort de cette lecture, fort heureusement assez courte !

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus d’explications sur cet article)